Face à la dette française de 3 345 milliards d’euros, le gouvernement souhaite faire des économies. Pour cela, il vise notamment le système de santé publique. Le PLFSS, qui doit être présenté en octobre, pourrait présenter des augmentations des restes à charge, alors que le système de santé publique présente de nombreuses défaillances.
Par Inès Vuillet
5.5 milliards d’Euros. Ce sont les économies prévues pour le budget de la sécurité sociale en 2026. Pourtant, la santé publique fait face à des difficultés, comme le manque de personnel soignant et la multiplication des déserts médicaux. La précarité aussi est un facteur qui empêche l’accès aux soins à une partie de la population. Le RN et LR proposent alors, pour économiser de supprimer l’AME. Cette aide médicale permet les soins de base des patients étrangers gratuitement. Pourtant, leur motivation n’est pas économique mais raciste et xénophobe. En effet, l’AME ne représente que 1.2 milliards d’Euros pour la sécurité sociale, ce qui équivaut à 0.5% des dépenses. De plus, les médecins s’opposent à cette suppression pour son côté humain. Selon eux, mettre fin à l’AME pourrait aussi permettre la propagation des maladies plus facilement. Donc il n’y a rien à gagner. Dans un communiqué à la suite de la déclaration faite le 4 septembre au conseil CNAM, la mutualité française explique qu’ « avec ce projet de décret, le gouvernement persiste donc à poursuivre son action visant à ‘responsabiliser les assurés sociaux‘ ; c’est-à-dire concrètement à vouloir faire des économies immédiates et injustes au détriment des personnes malades et des plus fragiles ».
Le projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) doit être proposé en octobre. Trois jours avant le vote de confiance, l’ancien premier Ministre Bayrou, s’était mis d’accord avec le Président de la République pour essayer de faire passer une augmentation des franchises médicales. Ce projet est alors en suspens, puisque le premier ministre a changé le 8 septembre. Cependant, cette proposition pourrait réapparaitre dans le PLFSS. Cela voudrait dire que pour une boite de paracétamol par exemple, le reste à charge passerait de 1€ à 2€. Son coût total est de 2.18€. Les médicaments ne seraient alors quasi plus remboursés. Cette hausse des restes à charge concernerait aussi les transports sanitaires ainsi que les consultations et examens. Cela engendrerait la fin de la prise en charge à 100% de l’ALD, les Affections à Longue Durée, comme le cancer ou la sclérose en plaques.

Les défaillances du système de santé
Pourtant, la hausse des prix à payer par le peuple n’engendrerait pas de meilleures conditions de soin. En effet, cela fait des années que les services de santé se dégradent, et la crise sanitaire du Covid 19 n’a pas permis d’améliorer la situation, au contraire. Selon l’OMS, le nombre de personnels de santé sur le plan mondial est passé de 6.2 millions en 2020 à 5.8 millions en 2023. Et d’ici 2030, les projections estiment un nombre de 4.1 millions. Et bien sûr, la France n’est pas épargnée. Ce manque de personnel déclenche une surcharge de travail pour les soignants. En 2021, 51% d’entre eux déclarent travailler sous pressions Cela est causé par les horaires décalés, les rappels sur congé, et bien sûr, le travail les dimanches et jours fériés. La mutualité française soulève ce problème : « nous regrettons également l’absence de vision pluriannuelle et le refus d’ouvrir le débat sur les leviers à activer pour améliorer les recettes de la Sécurité sociale de façon juste et pérenne ».

En effet, ces économies ne seront pas bénéfiques sur le long terme. De plus, plus de 5700 lits ont été fermés entre 2019 et 2020. Les conditions de travail sont alors de plus en plus compliquées, engendrant une adaptation plus difficile face au flux de patients. 20% des lits sont supprimés à la suite d’un manque de personnel. Pourtant, la demande ne baisse pas pour autant. Entre 2021 et 2022, une baisse de 1.3% des effectifs de personnel soignant a été constatée. D’après le gouvernement, en 2023, 55% des professionnels de santé déclarent avoir déjà fait face à un burn out. Dans les causes, on retrouve un manque de ressources matérielles et humaines, qui permettent de fournir des soins de qualité. Alors si l’on constate un manque financier, baisser le budget de la sécurité sociale n’aiderait en aucun cas le personnel, qui exerce déjà un métier compliqué à hautes responsabilités. D’après Vie publique, en 2024, 66% des EHPAD publics ne parviennent pas à leurs besoins de ressources humaines. La fraude des patrons dans le domaine de la santé explique aussi le déficit financier. Des actes fictifs sont facturés, comme dans l’affaire du réseau dentaire Nobel santé. Cette perte a été estimée à 5 millions d’euros.
Précarité et déserts médicaux
L’accès aux soins en France est de plus en plus difficile. Elle touche notamment les zones de déserts médicaux. Ce sont des régions qui ont une offre de soins beaucoup trop faible face à la demande. Il n’y a pas assez de médecins généralistes, de spécialistes, et d’infrastructures, comme les hôpitaux et les pharmacies. Ces zones concernent des régions rurales, peu attractives pour les médecins. En 2026 le gouvernement prévoit de faire travailler plus de 3700 internes en quatrième année de médecine, et compte les inciter à se localiser dans des zones sous-denses. Mais la restriction de liberté d’installation des médecins, votée en mai, n’a pas été mise en place. Et pour les patients, le temps d’attente chez certains spécialistes peut varier entre 6 mois et plus d’un an. En cas de soucis urgent, certains préfèrent alors faire une impasse sur les soins. Par exemple, si des plaques sur votre peau apparaissent, et que vous devez consulter un dermatologue, certaines régions affichent plusieurs mois avant de pouvoir avoir un rendez-vous. C’est par exemple le cas dans le Val de Loire. Pour les plus précaires, l’accès au soin n’est plus dans les priorités. Face à l’inflation globale et la stagnation des salaires, l’essentiel est de subvenir aux besoins primaires. D’après l’IFOP 30% des Français avouent avoir renoncé à se faire soigner à cause des prix. La mutualité française explique l’inutilité de cette mesure : « en cette rentrée, et à l’approche du prochain tunnel budgétaire, le gouvernement choisit d’amplifier cette mesure délétère en relevant les montants mais également en doublant les plafonds, en ne s’appuyant sur aucune étude d’impact médico économique ».

En 2024, les franchises médicales avaient déjà augmenté, passant de 50 centimes pour une boite de médicaments, à un euro. Cette précarité médicale touche majoritairement les jeunes adultes qui ont entre 18 et 24 ans, et les parents. Dans son communiqué, la mutualité française affirme que « la mesure du gouvernement va à rebours des à rebours des positionnements des acteurs représentatifs de la démocratie sanitaire et sociale qui alertaient déjà sur le risque majeur de renoncement aux soins d’une partie de la population et danger d’aggravation de la prévalence des pathologies chroniques qui conduirait aussi à terme à augmenter les dépenses globales du système de santé par la multiplication des complications évitables ». La PREP, qui empêche les personnes séronégatives d’avoir le Sida grâce au médicament Truvada, coute 296.37€ par mois, et est totalement remboursée. Mais pour les personnes déjà atteintes par le VIH, les couts s’élèvent entre 1000 et 1500€ par mois.
Inflation aussi pour les mutuelles
Sans oublier que face à ces augmentations, les mutuelles, qui permettent de cotiser, ont aussi augmenté leurs prix. Puisqu’en cas de risques, elles permettent une partie du remboursement. Par exemple, les soins bucco-dentaires sont de moins en moins remboursés par la sécurité sociale. Avant, ils l’étaient à 70%, aujourd’hui, c’est à 60%. A la fin de l’année 2024, les consultations chez les médecins généralistes sont passées de 26.50 Euros, à 30 euros. Cette augmentation touche aussi les psychiatres, gynécologues et beaucoup de domaines. Face à cette hausse des prix, les mutuelles ont dû augmenter leurs tarifs de 6% en 2024. Et sur 3 ans, c’est une hausse de 20% qui est constatée. Alors les Français payent plus cher les mutuelles et les restes à charge. Mais les mutuelles sont des organismes privés. Selon le Figaro, 20% de la somme à payer est pour les frais de gestion de ces entreprises. Alors si les prix de la cotisation augmentent, les 20% augmentent aussi.

Sans oublier qu’une partie des soignants en France viennent de l’étranger, comme la Roumanie, l’Algérie, ou encore la Syrie entre-autre. D’après le portail de statistiques Statista, ils représentent 14% des médecins en France. Et dans les hôpitaux, ou le financement manque, ils sont 20%. Ces médecins, qui permettent de calmer la pénurie, sont payés deux à trois fois moins que les médecins français. Renoncer aux soins à cause des augmentations des tarifs, pourrait couter d’autant plus cher à l’Etat. Par exemple, une consultation chez un dermatologue conventionné secteur un coute 50 Euros. Dans le cas de symptômes pouvant causer un cancer de la peau, mieux vaut s’y prendre tôt et éviter à la maladie de se propager. En effet, si l’on attend trop, le traitement s’élève à 60 millions d’Euros. Comme le dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir.
Inès Vuillet