« Ce qui se passe en Ukraine aujourd’hui, pourrait nous arriver demain » a déclaré le premier ministre Estonien. L’Ukraine a vécu une nuit compliquée ce dimanche 7 septembre. Plus de 800 drones et treize missiles, dont des missiles balistiques, ont frappé Kiev, la capital et plusieurs autres grandes villes. Cette nuit marque un tournant dans la stratégie russe, et engendre des réactions internationales sans précédent.
Par Sascha Beaucé-Biaggi
Cette nuit-là, tout Kiev était en état d’alerte, quand à deux heures du matin, les sirènes ont retenti. Pendant que les habitants de la capitale cherchaient refuge dans les abris souterrains, le ciel s’illuminait avec les tirs des défenses anti-aérienne ukrainienne. Cette offensive a été la première às’attaquer directement au siège du gouvernement, avec des frappes sur le bâtiment. Selon Andriï Danyk, chef du service ukrainien des Situations d’urgence, « 800 à 900 m² ont été gravement endommagés. Heureusement, grâce à l’efficacité des secours et au fait que le missile n’a pas totalement détonné, le bilan humain à l’intérieur du bâtiment est de 0 victime ». L’attaque sur le siège du gouvernement n’a fait aucune victime, cependant, les civils n’ont pas tous eu cette chance. Au moins 6 personnes ont perdu la vie suite aux bombardements, et des centaines de blessés continus d’être recensé dans l’ensemble du pays. Parmi les victimes, se compte des médecins, des ouvriers, des étudiants… Oléna, habitante de Kiev qui à vécu directement l’attaque se confie : « mon immeuble n’avait jamais tremblé aussi fort et pendant autant de temps. J’ai passé toute la nuit dans ma cave sans savoir si j’allais remonter un jour ». Bien que le bilan humain soit lourd, le bilan matériel l’est encore plus, avec des infrastructures énergétiques ciblées, des écoles en ruines et des immeubles effondrés.

Le ministère ukrainien de l’énergie s’est prononcé sur ce sujet dans une conférence lundi 8 septembre : « le but des frappes est clair, priver les ukrainiens de courant, de chauffage et plonger le pays dans l’incertitude à l’approche de l’hiver ». Solomianskyi Oleh, urgentiste à Kiev en service cette nuit-là témoigne sur twitter : « la nuit était effrayante, avec les bombardements et les blessés arrivant petit à petit ». Les attaques et les frappes répétées sur le territoire Ukrainien ont provoqué une onde de choc diplomatique. António Guterres, secrétaire général de l’ONU dénonce une « offensive délibérée contre les civils et les structures vitales » ce qui est « formellement interdit par toutes les conventions internationales. » Le 7 septembre marque un point d’arrêt pour l’ONU qui appelle à une reprise immédiate des négociations avec la Russie, tout en demandant l’envoi immédiat d’aides d’urgences en Ukraine.
Washington et l’Europe haussent le ton
Donald Trump, président des États-Unis a aussi pris la parole sur X, se disant « prêt à mettre en place de nouvelles sanctions contre Moscou ». Ces prises de paroles font échos à celle de Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux, disant que « l’Ukraine attend de la communauté internationale un engagement fort et durable ». La France et l’Allemagne se rejoignent sur l’avis de renforcer les sanctions contre le secteur pétrolier et tous les secteurs qui pourraient financer l’effort de guerre russe. Emmanuel Macron a publié sur X son soutien envers l’Ukraine en disant : « nous défendons la paix, mais la Russie s’enferme dans une logique de terreur. Soutien indéfectible à l’Ukraine ». De possible actions de sa part sont à attendre dans les jours à venir. Sébastien Boussois, chercheur à l’observatoire géostratégique de Genève, nous donne son avis sur la situation : « la prise de position de Poutine, qui refuse toute forme de dialogue, rend ce conflit sans fin et sans paix possible. Si la situation continue de s’empirer comme elle le fait, le cessez-le-feu visé par l’Ukraine ne verra jamais le jour. Le plus tôt les voies du dialogue se rouvriront, le mieux ce sera pour tous. Il est important de rappeler que la diplomatie n’est pas un signe de faiblesse mais une nécessité pour éviter une escalade dramatique de la situation. »

Le conflit s’internationalise de plus en plus ce qui force la réaction des pays frontaliers à l’Ukraine selon leurs propres tensions et intérêts. Une vingtaine de drones présumés russe ont été tiré sur le territoire polonais dans la nuit du 9 au 10 septembre. Cet évènement engendre la décision de Varsovie de mettre en place une zone d’exclusion aérienne à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine. Pour le gouvernement polonais, c’est « une violation sans précédent de l’espace aérien ». Le parlement européen annonce donc, suite à cet évènement : « la violation délibérée de l’espace aérien polonais par des drones russes et la manière dont l’UE peut témoigner de sa solidarité avec la Pologne seront au cœur d’un débat plénier extraordinaire ». Débat qui aura donc lieu le jeudi 11 septembre. À la suite de ces évènements, la Pologne, a choisi d’activer l’article 4 de l’OTAN tout en intensifiant ses livraisons d’armes. Wojciech Skurkiewicz, vice-ministre de la défense, affirme sur X, « chaque drone russe qui survole l’Ukraine menace aussi la stabilité de la région. Nous sommes prêts à tout pour préserver la sécurité européenne ».
Une inquiétude stratégique internationale
En plus des livraisons d’armes intensifiées, la Pologne a également déployé des chasseurs (avions militaires) en posture préventive pour renforcer la défense aérienne du pays. En plus des ajouts matériels que fait le pays, un programme de formation militaire pour l’entièreté de la population adulte a été mis en place, pour préparer au mieux la défense civile. Des mines antipersonnel à la frontière avec la Russie et la Biélorussie ont été installé, dans le cadre du projet bouclier oriental pour renforcer les barrières physiques. Un plan d’évacuation a été mis en place pour évacuer à l’étranger des œuvres d’art les plus précieuses en cas de menace. La Pologne appelle également l’OTAN, dont elle est membre, à renforcer la coopération en son sein pour garantir la sécurité de ses membres. Le pays jouant un rôle très important dans le soutien de l’Ukraine, prend très au sérieux la menace Russe. Cela explique les préparatifs polonais face à un éventuel affrontement avec la Russie. De plus, Varsovie tente de prendre de l’avance sur le conflit en augmentant son PIB consacré à la défense entre 4 et 4,7%, faisant donc de la Pologne l’un des plus grands investisseurs militaires d’Europe. La Pologne est loin d’être le seul pays à se sentir menacé en vue de sa position géographique et stratégique face à la Russie. L’Allemagne a également mis en place un large panel de mesures face à l’escalade du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Berlin s’engage à intensifier son soutien envers l’Ukraine en promettant le financement de la production d’armes de défense sans restriction de portée, en investissant près de cinq milliards d’euros.

Cette promesse se suit également d’envois de munitions et de systèmes de défense aériens en grand nombre. En plus du soutien matériel, le gouvernement allemand & débloqué plus de 30 milliards d’euros pour envoyer un soutien civil et humanitaire en Ukraine. De plus, Berlin prévoit 40 milliards d’euros supplémentaires pour soutenir sur un aspect militaire l’Ukraine dans les années à venir. Pour garantir la sécurité de Kiev, l’Allemagne accompagne le processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne, tout en travaillant avec des partenaires internationaux comme la France, à la recherche d’une fin diplomatique visant une paix durable entre les deux puissances. Berlin participe également avec l’OTAN à la mise en place de sanctions contre la Russie. Ces sanctions viseraient les accès russes aux marchés financiers, aux marchés énergétiques, ainsi qu’à d’autres secteurs stratégiques pour affaiblir l’étendue internationale russe et son effort de guerre. Les autres pays frontaliers à l’Ukraine mettent en place des politiques pour se préparer face à la menace russe qui pèse de plus en plus sur le ciel. La Moldavie à intensifier ses contrôles aux frontières et multiplié ses coopérations avec l’union européenne pour garantir sa sécurité en cas de débordement. L’onde de choc créé par l’attaque de la nuit du 7 septembre suivit par l’incursion de drones russe en Pologne, ne se limite pas aux frontières ukrainiennes. Ces évènements mettent à l’épreuve la solidarité européenne, qui ne peux que se préparer au pire avec les souvenirs des conflits d’antan. Une réaction des États-Unis est attendue, sans laquelle le conflit risque de rester au point mort, en vue du manque de menace pesant sur la Russie. Mais en vue de la personnalité de Donal Trump et comme le dise beaucoup d’américains, « Trump Always Chicken Out » (Trump se dégonfle toujours).
Sascha Beaucé-Biaggi